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| images de la vieillesse dans les comptines | |
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clay77 Administrateur
Nombre de messages : 3907 Age : 41 Date d'inscription : 07/05/2006
| Sujet: images de la vieillesse dans les comptines Ven 28 Déc - 13:46 | |
| Images de la vieillesse dans la littérature enfantine et auprès de jeunes enfants Geneviève Arfeux-vaucher FONDATION NATIONALE DE GÉRONTOLOGIE Résumé de l'article Étudier les représentations de la vieillesse et de la mort dans la littérature pour enfants, c’est s’interroger à la fois sur les a priori des adultes (auteurs des livres) et sur la construction des mentalités des enfants (lecteurs). À la fin du XIXème siècle, les personnes âgées représentées dans les livres étaient intégrées dans la société et y exerçaient encore un rôle productif. Leurs rapports avec les enfants étaient empreints de distance respectueuse. Les années cinquante, qui voient l’apparition des premiers retraités, marquent une rupture avec ces conceptions. Les personnes âgées sont peu à peu exclues du monde productif des adultes alors que leurs liens avec leurs petits-enfants se teintent progressivement d’affection etdecomplicité. À partir des années soixante-dix, les enfants-héros commencent à pouvoir poser ouvertement des questions sur le sens du vieillissement et de la mort, aidés souvent en cela par les personnes âgées elles-mêmes. Malgré ces évolutions, l’analyse des ouvrages récents pour enfants révèle un décalage persistant entre les représentations des personnes âgées et la réalité. Certes les personnes âgées représentées sont en meilleure santé, elles commencent (avec trente ans de retard sur la réalité) à avoir des loisirs pour elles-mêmes et non plus uniquement avec leurs enfants/petits-enfants. Depuis peu, les ouvrages pour enfants exploitent les thèmes de la nécessaire levée des secrets familiaux ou encore de la vie amoureuse des personnes âgées. Les personnages masculins restent cependant sur-représentés et la quatrième génération, pourtant bien présente dans la vie, est exclue ou se confond avec celle des grands-parents. Ces déformations qui subsistent dans la littérature enfantine reflètent et perpétuent le décalage de notre société entre la réalité et les mentalités. A study of the representations of old age and death in children’s literature provides an opportunity to examine both the assumptions of adults (the authors of the books) and the mentalities of children (the readers). At the end of the 19th century, old people represented in books were well integrated in society and still played a productive role. Their relations with children were based on a respectful distance. In the 1950’s, when the old age pension was first introduced, the conception of old age changed significantly. Old people were progressively excluded from the productive world of adults while their relations with their grandchildren became more affectionate and intimate. From the 1970’s, child protagonists became free to ask direct questions about the meaning of aging and death, often helped by the old people themselves. Despite these changes, an analysis of recent children’s books reveals a persistent gap between how old people are represented in literature and their status in reality. Admittedly, the old people represented are in better health and are beginning (thirty years after their counterparts in the real world) to indulge in leisure activities for themselves and not just with their grandchildren. In recent years, children’s books have exploited themes such as the necessary lifting of family secrets or the love life of old people. However, male characters are still over-represented and the fourth generation, though still present in real life, is excluded or confused with that of the grandparents. These deformations, a continuing feature of children’s literature, reflect and perpetuate the gap in our society between the reality of old age and the way it is perceived. Plan de l'article • ■ Évolutions des représentations de 1880 aux années 1990 • ■ Images et rôles actuels • ■ Les images des enfants sur la vieillesse • ■ Bibliographie De plus en plus, les différents Salons du livre font une placecroissante au multimédia. Ce fait de société témoigne du développement de la culture audiovisuelle et de sa mondialisation via Internet. Néanmoins, cela n’empêche pas le marché de l’édition de livres pour la jeunesse d’être dynamique et florissant en ce début de 3ème millénaire tant en France qu’à l’étranger, comme le bilan du Salon du livre de Paris (mars 2001) l’a démontré. S’interroger sur les représentations de la vieillesse, du vieillissement, des « grands-parents » et de la mort dans les textes et illustrations de la littérature de jeunesse, c’est : mettre en évidence les mentalités collectives des adultes sur le vieillissement et la vieillesse, celles-ci étant encore faites de résistances à certaines mises en scène et à certains sujets présentés comme tabous, réfléchir aux rôles que ces images jouent, au même titre que d’autres supports ou objets, dans la construction des mentalités des enfants-lecteurs au sujet de la vieillesse et de leurs projets (non conscients) de vieillir. L’analyse de ces représentations permet de faire émerger le « bon discours » à tenir aux enfants et aux jeunes : que leur dit-on, que leur cache-t-on ? Il est manifeste qu’il existe de grandes variations selon les politiques éditoriales des différentes maisons d’édition, les publications reflétant leur conception de l’enfant-lecteur. Conformisme et avant-gardisme se côtoient, non seulement surcethème, mais aussi dans toute la littérature de jeunesse d’aujourd’hui. Déjà en 1977, les auteurs Jean-Claude Chamboredon et Jean-Louis Fabiani mettaient en évidence ce lien qui ne s’est pas démenti depuis vingt-cinq ans. D’importants travaux existent sur « les représentations et statuts de l’enfant dans la société française » à travers l’analyse des images et des textes qui lui sont destinés (Marie-José Chombart de Lauwe, 1971). Mais cet auteur signale aussi que les images des héros enfantins sont des possibles modèles identificatoires pour les lecteurs. Cette affirmation peut être étendue aux autres protagonistes des histoires : les adultes de tous âges mis en scène dans les livres pour enfants sont aussi des modèles auxquels ils peuvent se confronter en réfléchissant à leur propre avenir. De plus en plus d’ouvrages montrant la mort d’une vieille personne, se concluent par le désir du petit-enfant de construire sa vie sur le modèle du grand-père décédé pour devenir aussi aimable que lui, à l’image de petit ours dans Le grand-père de petit ours (2000). L’expérience du Prix Chronos de littérature pour la jeunesse organisé par la Fondation nationale de gérontologie depuis 1996 démontre cet état de fait (Françoise Forette, Geneviève Arfeux-Vaucher, 1999). ■ Évolutions des représentations de 1880 aux années 1990 Pour notre part nous avons analysé ces images de la vieillesse sur plus d’un siècle dans les livres de loisirs et dans les livres d’école auxquels bon nombre d’enfants avaient accès avant de posséder personnellement un ou des livres plus récréatifs (Geneviève Arfeux-Vaucher, 1994). Schématiquement on peut découper ce siècle en trois grandes étapes (Geneviève Arfeux-Vaucher, 1993), avant de regarder plus en profondeur les changements et tendances actuelles, ainsi que les réactions des enfants à ces ouvrages. De la fin du XIXème siècle aux années trente, un discours assez homogène est tenu aux enfants dans les ouvrages, reflétant l’idéologie sociale d’unification nationale et des mentalités : l’école en est le principal symbole avec la valorisation de la langue française contre les patois locaux. Cette idéologie est faite de solidarité sociale entre générations permettant aux vieilles personnes mises en scène d’appartenir pleinement à la société et d’y avoir des rôles que l’on qualifierait de « productifs » aujourd’hui. Cela se remarque à travers les multiples appellations des vieilles personnes qui reflètent les diverses facettes de leur identité tant sociale que familiale. Par exemple, un homme sera nommé alternativement, selon les moments de l’histoire « Étienne », « Le vieil Étienne » ou « Étienne le sabotier ». Cette intégration sociale des vieux, aussi bien dans une proximité de voisinage que dans les pratiques quotidiennes, se double, à cette époque, d’une distance relationnelle entre ceux-ci et les jeunes enfants : les adultes apprennent à l’enfant–lecteur à honorer et respecter les vieilles gens, à les aimer aussi. Mais ces expressions affectives semblent « enchâssées » dans la morale du devoir aimer en vigueur au sein de la famille au XIXème siècle et décrite par Louis Roussel (1989). Les années trente vont mettre en évidence une rupture dans les livres édités. Les livres de loisirs se diversifient et se développent quantitativement, en se distinguant plus nettement des livres d’école, sous le jeu de plusieurs logiques en présence. Elles reflètent la séparation progressive entre la conception de l’enfant-élève et l’enfant qui se distrait tout en apprenant grâce à la création de livres issus de la pédagogie nouvelle dont Bakulé est un des initiateurs. Des positions contraires s’expriment avec d’autant plus de force que l’unité nationale est regagnée, mais aussi parce que les valeurs idéologiques devant souder la société sont en train de faire faillite. Certaines institutions paraissent démythifiées. Aussi, les contenus sur la vieillesse, sur la mort changent-ils. Ces thèmes sont davantage présentés en rapport avec cette nouvelle appréhension de l’enfant. Les créations du personnage de Babar et de la vieille dame (première femme âgée à faire de la gymnastique pour entretenir sa forme), puis de Babar avec le Père Noël, comme celles issues de l’Atelier du Père Castor en témoignent. Les relations entre les vieilles personnes et les plusjeunes commencent à s’émanciper du carcan de la morale du XIXème siècle. Une certaine réhabilitation des femmes âgées comme éducatrices est lisible, maintenant que toutes les femmes âgées ont bénéficié d’une scolarité dans leur enfance. Jusque-là seules quelques femmes âgées pouvaient apprendre à lire à de jeunes enfants, celles appartenant à la bourgeoisie, comme la grand-mère de Clara, jeune compagne de Heidi. Ces figures féminines ont disparu des ouvrages du début du XXème siècle carelles ne correspondaient pas à la réalité familiale de tous les enfants scolarisés, confrontés à des grands-parents analphabètes, comme Georges-Emmanuel Clancier (1984) en témoigne. Les années trente correspondent au moment où les premières générations de petites filles scolarisées grâce aux lois de Jules Ferry deviennent âgées. Aussi, elles peuvent réapparaître dans les livres, puisque les enfants y trouveront un reflet de leur réalité familiale. Par contre, les hommes âgés (même illettrés) n’auront pas cessé d’être utilisés comme auxiliaires de l’école en diffusant leurs connaissances de la nature aux jeunes enfants. Ces changements vont s’amplifier jusqu’aux années soixante-dix, avec comme fait marquant pour cette période allant des années trente aux années soixante-dix, l’apparition d’une nouvelle image de la vieillesse, celle du « retraité », conséquence des ordonnances de 1945 sur la sécurité sociale. Antérieurement aux années cinquante, le qualificatif de retraité a été utilisé au moins une fois, mais imprimé en italique (retraité) tellement cette situation sociale était inhabituelle, par Pierre Loti dans Pêcheurs d’Islande. L’apparition de retraités plus nombreux dans les livres pour enfants produit l’extinction progressive des discours sur la prévoyance mutuelle et l’épargne individuelle « pour ses vieux jours » comme l’enseignaient beaucoup de livres pour enfants. Mais elle est source aussi de l’exclusion des vieux du monde desadultes. La logique économique qui se met en place et permetaux personnes vieillissantes de devenir des retraitées, s’accompagne, dans les livres, d’une réduction des dénominations antérieures : les références au métier ou à un statut particulier disparaissent au profit d’une appellation de « retraité » qui s’uniformise, ce qui introduit une rupture entre lui et le monde des adultes. La conception qu’un retraité n’est plus totalement adulte y prend sa source. En revanche, dans les livres centrés sur la vie familiale, les appellations anciennes continuent à être utilisées. À partir des années soixante-dix, de nouveaux changements dans les images de la vieillesse se font jour sous l’influence de logiques contraires :logiques éditoriales, d’un côté, qui vont vers une production de plus en plus homogène et uniforme pour vendre rapidement sur le marché international au moindre coût, et logique de société, d’autre part, valorisant l’individu singulier et moins l’être défini par la société, en raison de la faillite des idéologies suite à la Seconde Guerre mondiale. Cela donne des livres centrés sur la relation intime avec l’autre, sur l’expression affective spontanée entre jeunes enfants et vieilles personnes. Cette période voit aussi la prise en compte des connaissances issues de la psychanalyse, et met en scène des enfants qui questionnent ouvertement le sens du vivre, du vieillir et du mourir. Contrairement à la fin du XIXème siècle où l’enfant voyait la mort et son environnement social et moral dans les ouvrages qui lui étaient destinés sans pouvoir poser de questions, à partir des années soixante-dix des ouvrages ont présenté des enfants qui s’enquièrent de la mort, de son sens et donc de celui de la vie, en dépit d’interdits adultes qu’ils contournent seuls ou avec la complicité de vieilles gens. Ces années révèlent aussi l’influence des évolutions sanitaires, culturelles et scientifiques : le corps des vieilles personnes est moins cassé, plus redressé, moins handicapé dans ses mouvements, tremble moins. Les vieilles personnes voient mieux grâce à l’utilisation de lunettes performantes ; elles se déplacent mieux, elles commencent à voyager. Aussi, les petits-enfants sont moins présents dans le registre de l’aide matérielle aux grands-parents (enfiler une aiguille, lire le journal, mettre un coussin dans le dos pour éviter d’avoir mal au dos) que dans la sphère ludique avec des grands-parents qui peuvent continuer à enseigner, éduquer, transmettre, mais avec plus de chaleur affective et plus d’humour qu’avant. | |
| | | clay77 Administrateur
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| Sujet: Re: images de la vieillesse dans les comptines Ven 28 Déc - 13:48 | |
| ■ Images et rôles actuels Après ces évolutions brossées à grand trait, on peut analyser plus finement les images et rôles des vieilles personnes dans les livres publiés ces dix dernières années. Ne sont pris en compte ici que les livres édités pour la première fois en France, à l’exclusion des bandes dessinées, genre littéraire à analyser différemment. Une analyse semblable et comparative serait à faire sur les ouvrages réédités, afin de tenter de comprendre les logiques qui sous-tendent les choix de rééditions. On ne peut qu’être frappé de constater que, sur la durée, des changements thématiques se conjuguent avec la permanence de thèmes anciens à travers l’édition de nouveaux livres, reprenant ces anciennes thématiques. Le faible tirage et la difficile réédition des livres pour enfants nous paraît dommageable pour certains, car leurs grandes qualités aussi bien thématique que littéraire et graphique (pour les albums) justifieraient que ces ouvrages soient disponibles plus longtemps qu’ils ne le sont aujourd’hui. Certains ouvrages sont épuisés dès la fin de la première année de leur mise sur le marché. Quels sont les point forts qui méritent d’être mis en évidence car ils interrogent aussi bien la société que la production éditoriale pour la jeunesse ? Sur les dix dernières années, les livres pour les enfants et les jeunes continuent à sur-représenter les personnages masculins vieux : ils sont 1,5 fois plus nombreux que les personnages féminins. Ce constat, en décalage avec la réalité démographique des personnes de 60 ans et plus, n’est pas nouveau. Il dure depuis longtemps et montre une résistance des mentalités à sortir d’une domination du masculin, finement analysée par Françoise Héritier (1996). On verra plus loin que les enfants, dès 10-11 ans, ont intériorisé cette valeur sociale plus grande du masculin. Quand le statut familial des personnes âgées mises en scène est mentionné, il y a aussi décalage par rapport à la réalité actuelle : les livres représentent plus de veufs et dans une moindre mesure de veuves qu’il n’y en a, et de ce fait, bien moins de couples âgés qu’il n’en existe. Parmi ces couples âgés, quelques-uns représentent la difficulté, réelle, de vieillir à deux depuis de longues années. Le secret de papy Frioul comme Les portes s’ouvriront 7 fois, témoignent de cette vie à deux faite de non-dits et de promesses non réalisées qui altèrent les relations de couple. Chaque fois, les petits-enfants, sans réaliser pleinement ce qui se joue, arrivent à faire renouer un dialogue de meilleure qualité entre leurs grands-parents. « Vois-tu, mon chéri, si j’ai supporté durant toutes ces années les mensonges de ton grand-père, c’est que je l’aimais très fort. Maintenant, il est temps pour moi d’avoir la preuve de son amour en retour. C’est ce que je lui ai écrit dans la lettre qui accompagnait le plan de l’île. Si votre papy m’aime aussi fort que je l’aime, il surmontera la peur panique qu’il a de la mer et viendra me chercher. » [Le secret de papy Frioul]. L’âge de l’enfant-lecteur influe fortement sur la présentation, ou non, du statut familial. Pour les petits, les livres présentent majoritairement une vieille personne, appelée Papy, ou Grand-mère, sans rien dire sur sa situation familiale (veuf ? marié ?), alors que pour les enfants qui savent lire couramment, les premiers romans précisent davantage ce statut. À ce sujet des enfants ont remarqué que, souvent, les parents sont divorcés et les grands-parents jamais, et nous ont demandé pourquoi ! Socialement, les études montrent que jusqu’à 10 ans environ, la majorité des enfants a encore des arrière-grands-parents. Or, les livres pour les plus jeunes montrent une confusion/exclusion importante de la quatrième génération. En effet, on peut compter sur les doigts des mains les livres qui mettent en scène explicitement un arrière-grand-parent. On peut citer Ni oui, ni non ou Chut… secret de famille qui met en scène un arrière-petit-fils de 10 ans d’une très vieille dame de 100 ans. Ou encore Les secrets de Faith Green, et Mémé t’as du courrier. Très majoritairement, les livres encore produits uniformisent lesvieilles personnes à travers une image réductrice du grand-parent, appelée indifféremment Grand-père ou Mamy, alors qu’il s’agit manifestement d’un arrière-grand-parent. Ces livres témoignent d’une confusion générationnelle, alors que les enfants savent différencier leurs grands-parents (« très occupés ») de leurs arrière-grands-parents (« plus malades » ou « qui a l’Alzheimer »). Certains ouvrages pour enfants en âge d’être à l’école maternelle mettent en scène, surtout grâce aux illustrations, des grands-parents correspondant à la réalité de la majorité des jeunes grands-parents d’aujourd’hui. Il est très intéressant d’entendre des adultes jeunes commenter ces images. Pour eux, elles s’appliquent aux parents et non aux grands-parents. Il y a comme une cécité sociale à reconnaître l’évolution de la génération des grands-parents au démarrage de leur grand-parentalité comme de celles des générations les plus anciennes dans la famille : il y a des arrière-grands-parents en bonne forme à un âge avancé, comme nous l’avons constaté dans l’étude sur les familles à cinq générations (Novartis/FNG, 2001). La production éditoriale transmet aux enfants des images décalées par rapport à leur réalité familiale. Apparaissent quelques grands-parents d’adoption pour des enfants-héros qui souffrent de ne plus avoir ou de n’avoir jamais connu les parents de leurs parents. Il y a un siècle, de telles situations livresques se produisaient mais surtout par le décès des parents : une vieille personne du village prenait en charge l’orphelin. Maintenant, des jeunes héros mettent des annonces dans des maisons de retraite pour trouver un grand-père adoptif ( On demande grand-père gentil et connaissant des trucs; Tu sais siffler Johanna, etc.) Depuis vingt ans, la généalogie familiale (ascendants et descendants) est présente dans la littérature de jeunesse. Si Apoutsiak, le petit flocon de neige (1948) peut être considéré comme le premier ouvrage sur ce thème, c’est surtout à la fin desannées soixante-dix qu’il sera traité : Le grand sapin (1977); Incroyable mais vrai (1977) ; Les parents de papa (1980); Les parents de maman (1980) ; L’arbre aux ancêtres (1977) ; Julie et Julie (1981). Depuis peu, ce thème intègre le phénomène de la recomposition familiale : Ah, la famille !, L’arbre à grands-pères, Ninon silence. Pourtant la littérature de jeunesse a mis en scène ces recompositions familiales dans les siècles passés : les contes de Blanche neige ou de Cendrillon, montrent bien des recompositions familiales, mais sur fond de mort de la mère (réalité de l’époque), alors qu’il s’agit de séparations de couples aujourd’hui. Depuis seulement quelques années, des livres utilisent le thème, travaillé depuis longtemps en psychopathologie des adultes et des enfants, de la transmission psychique entre générations, ou des secrets de famille. Les travaux d’Anne Ancelin-Schützenberger (1993) jusqu’à ceux de Serge Tisseron (1995) présentent toute l’importance de la levée de ces secrets familiaux pour l’équilibre psychique des personnes. Depuis 1996, cette thématique des secrets de famille s’exprime autour de quatre axes qui ne concernent pas de la même manière les différentes générations familiales. Sont décrites ici des tendances majoritaires auxquelles certains ouvrages peuvent échapper. Du côté de la génération des parents : le secret touche un père suite à un divorce ou à un événement traumatique amenant unesorte de disparition du père. Ce genre de secret concerne plusrarement une mère (Le fils de Belle Prater). En cas de « défaillance » paternelle, les grands-parents paternels servent souvent à restaurer une image correcte, réelle, du père pour aider l’enfant à faire le deuil d’un père fantasmé. Tant que dure le secret, l’enfant est pénalisé et bloqué dans son développement par l’absence de paroles établissant une vérité sur ce père énigmatique : Le secret de Martin, La musique des choses, Lettres d’amour de 0 à 10. Du côté de la génération des grands-parents : c’est actuellement un secret familial établi lorsque cette génération était plus jeune (pas encore parente parfois) durant la Seconde Guerre mondiale qui domine. Là encore, les hommes sont mis en avant. Est-ce dû à l’influence du procès Papon et/ou au devoir de mémoire ? Un grand-père tombé du ciel, Un si terrible secret, Un lourd silence ou Cauchemar rail peuvent ainsi être cités. Ce dernier livre montre bien la construction du secret de famille, lié pour partie aux hasards de la vie ainsi que les conséquences néfastes de ce secret, ce que l’héroïne refuse de porter à son tour : « Je ne suis pas responsable de mes grands-parents. (…) Elle avait du mal à comprendre pourquoi ses parents s’étaient laissé briser par une histoire qui n’était pas la leur mais celle de leurs parents. Elle avait du mal à comprendre pourquoi ils faisaient payer les erreurs de leurs parents à elle, leur fille ». Du côté de la génération des arriŁre-grands-parents : à cet « étage générationnel », le secret concerne une « faute » commise dans sa jeunesse, le plus souvent par une femme : enfant hors mariage, amours défendues, comportements interdits (poser nue à une époque où les femmes montraient peu leur corps). L’ancêtre disparue, Chut… secret de famille, Une histoire étrange, Nona des sables, Les secrets de Faith Green représentent cette thématique. Du côté de gØnØrations diverses, des jeunes aux plus âgés, on trouve une problématique déjà ancienne dans la littérature de jeunesse, à savoir le non-dit sur la mort, mort cachée, occultée. Mais, au fil du temps, elle se transforme de plus en plus en refus de cette occultation chez l’enfant-héros, et, aujourd’hui, en une acceptation plus rapide des adultes à dévoiler ce secret à l’enfant. Cela est visible en comparant Au fil des jours s’en vont les jours (1979), livre dans lequel l’enfant-héros se heurte au silence des adultes alors qu’il voit sa grand-mère pleurer et découvre tout seul la raison des pleurs, et Où est parti Balthus ? (1997) où l’enfant arrive à convaincre ses parents de les accompagner pour l’enterrement de son vieil ami le clown. La place occupée par le « secret » sur la mort, le non-dit, le caché dure une à deux pages actuellement, alors qu’antérieurement il pouvait durer tout le livre. Cette différence montre que la « résistance » adulte à lever un secret autour de la mort est plus facile à faire tomber aujourd’hui qu’hier. Statistiquement, les livres pour enfants font plus souvent mourir un homme âgé qu’une femme, surtout dans les albums pour les jeunes enfants, comme dans Les histoire de grand-père, Dagobert et son grand-père, Au-revoir grand-père, contre Adieu Veïa ou Bonjour Madame la mort où ce sont des femmes qui meurent, ce qui semble correspondre plus à la réalité sociale, dans laquelle les hommes décèdent plus jeunes que les femmes. Mais au vu des configurations familiales d’aujourd’hui, un jeune enfant risque davantage de voir d’abord mourir une arrière-grand-mère qu’un grand-père. Plus souvent qu’antérieurement, il y a une « gestion » de la mort par la personne concernée. Dans Bonjour Madame la mort, La chasse au trésor ou encore Où est parti Baltus ? des vieilles personnes préparent leur mort, en choisissent parfois le moment afin d’en être acteur et de faire en sorte d’être encore parmi les vivants après leur décès, sous une forme imaginée par eux : laisser des souvenirs choisis particulièrement pour telle personne, organiser des traces de l’affection portée aux siens et aider ainsi au travail de deuil des survivants. « Cette année, grand-mère nous a donné des trésors qui ne casseront jamais, ni ne seront trop petits. Elle nous a donné quelque chose qui durera toujours. Grand-mère est morte. Elle ne reviendra jamais. Mais les arbres (plantés à la naissance de chacun des petits-enfants par cette grand-mère) eux, seront toujours là. » [La chasse au trésor]. Ces livres-là sont très appréciés des enfants gravement malades, qui y voient une possibilité pour eux de pouvoir, peut-être, décider quand ils voudront mourir : « C’est bien, parce que c’est elle qui décide quand elle va mourir », nous ont dit plusieurs enfants suivant une scolarité à l’hôpital, suite à la lecture de Bonjour Madame la mort. Commence à peine à émerger le thème, si important pourtant, d’élaboration d’un projet de retraite épanouissant pour soi, en continuité avec sa personnalité antérieure : Le père Noël et son jumeau ou Sa majesté la maîtresse en sont de bons exemples. Lesjumeaux aux caractères si contrastés dès leur naissance arrivent durant leur vie adulte à sublimer leurs pulsions. L’un devient d’abord facteur car sa gentillesse et sa douceur innées lui font désirer apporter de bonnes nouvelles ; dans sa vieillesse il sera père Noël. L’autre devient chirurgien, manière de socialiser son agressivité et ses pulsions violentes, avant, dans sa vieillesse, d’être père Fouettard… Ainsi, le temps de retraite agréable, comprenant des voyages et des loisirs pour soi, pratiquement jamais mis en scène jusque-là, apparaît. Avec près de trente ans de retard, on peut noter l’apparition de pratiques déjà en vigueur parmi les retraités, maisque les auteurs pour enfants ne mettaient pas en scène. Jusque-là, les seuls loisirs permis aux retraités, aux vieux, aux grands-parents, étaient ceux qu’ils partageaient avec leurs petits-enfants, éventuellement leurs enfants. Il y avait peu de projets devoyages pour son plaisir, mais plus souvent des voyages d’accompagnement familiaux, ou des voyages « retour sur sa vie », préparation à sa mort. Désormais, on voit des grands-parents faire des randonnées à vélo, passer des vacances à l’hôtel en bord de mer, voyager à l’étranger. Cette vie hors de chez soi, dans un extérieur qui dépasse les limites de son jardin, est devenue égalitaire entre les hommes et les femmes âgées, alors qu’il y a encore vingt ans, les femmes étaient souvent cantonnées à l’intérieur du domicile. Un autre temps de retraite est également représenté, avec quelques rôles sociaux, sur le modèle de l’engagement des retraités dans la vie locale, associative ou non. Certaines vieilles personnes (ou vieux animaux) vont rendre service à d’autres personnes, essentiellement des enfants, comme dans Un amour de crocodile ou Manon et Mamina, ou encore Les rendez-vous de l’Ill, mais aussi aux habitants d’une maison de retraite avec Le camion fantôme. On assiste aussi à une plus grande valorisation des acquis et des apports possibles aux générations plus jeunes. C’est du reste un thème que les jeunes lecteurs apprécient particulièrement. Ils plébiscitent les livres qui montrent des vieilles personnes (et pas seulement leurs grands-parents) qui lesprennent au sérieux dans leur souffrance d’enfant (Le bonsaï etle séquoia, L’oreille du loup), qui les soutiennent dans leur recherche pour résoudre un secret de famille pénalisant ( La musique des choses, Cauchemar rail, Ninon silence). | |
| | | clay77 Administrateur
Nombre de messages : 3907 Age : 41 Date d'inscription : 07/05/2006
| Sujet: Re: images de la vieillesse dans les comptines Ven 28 Déc - 13:50 | |
| Enfin, le temps de retraite qui comprend plus souvent qu’avant l’expression d’une vie affective et amoureuse, laquelle semble plus permise et reconnue par les auteurs, trouve aussi sa place. Mémé est amoureuse, Tatie la vie, Dis, Mamie... Statistiquement, les livres pour enfants présentent plus de femmes âgées amoureuses comme héroïnes principales, ainsi que ce dialogue l’illustre : « – Tu as un amoureux ? – Je n’ai pas le droit ? – Je croyais que les vieilles personnes n’avaient plus d’amoureux. – Si, moi j’en ai un. – C’est qui ? – Tu ne devines pas ? – C’est pas ton mari puisqu’il est mort quand j’étais même pas né. » [Dis, Mamie …]. Cette mise en scène de femmes âgées amoureuses n’est pas totalement une nouveauté. En effet, dès le début de XXème siècle toute une thématique sur la vie sexuelle des vieilles personnes était abordée dans les livres pour enfants, sous la forme principalement d’un désir d’enfant non satisfait jusque-là. Pinocchio, comme toutes les histoires de Bonhomme de pain d’épice ou du Petit garçon de neige, montrent comme nous l’avons déjà analysé (1987) que le désir d’enfant, donc de vie sexuelle, ne s’arrête pas dans la vieillesse, si ce désir n’a pas été satisfait antérieurement et que cela concerne aussi bien les hommes que les femmes. Mais, nous notions déjà l’impossible réalisation de ce désir avec une femme âgée, ménopausée. Seul Geppeto, vieil artisan de Pinocchio, arrivera à faire vivre son pantin de fils grâce à l’entremise d’une jeune femme, la fée bleue. Si ce désir prend seulement la forme d’un enfant imaginaire de sexe masculin, on peut y voir l’influence de l’héritier mâle assurant la transmission du nom. Cette thématique continue à être mise en scène dans des ouvrages nouveaux, avec des variantes dans le final qui méritent d’être regardées (Geneviève Arfeux-Vaucher, 1987). S’y ajoute maintenant une vie amoureuse, en dehors de tout projet de procréation. Pour autant, les vieilles personnes amoureuses ne sont pas toutes des célibataires ou des personnes sans enfant. Des veuves ayant des enfants et des petits-enfants sont à nouveau amoureuses, ce qui peut provoquer des conflits familiaux, situation déjà décrite dans Pépé la boulange (1986) et que l’on retrouve dans Les mots font la grève (1999) ou Mini a un nouveau grand-père (2000). Avec le temps, les livres pour enfants traitant de la sexualité des vieilles personnes reflètent l’évolution de la société dans son ensemble : de la sexualité valorisée pour la seule procréation, on est passé à une sexualité centrée sur la relation amoureuse. Si les vieilles personnes changent, les dialogues entre elles et les enfants sont plus directs sur des questions fondamentales. Il y a plus souvent qu’avant une mise en scène d’un questionnement direct des enfants et jeunes lecteurs sur le vieillissement, sur la mort. Ce ne sont plus seulement des enfants-héros qui s’interrogent dans leur tête, sur le sens de la vie, sur vieillir et mourir ou qui interrogent leurs parents. Ce sont maintenant des enfants qui questionnent directement les intéressés, sur le mode humoristique ou sur le mode d’une grande intimité ou proximité affective (Raides morts, Où vont les bébés ?, Le livre disparu, Quand mon papa était un vrai bébé). « Après déjeuner, j’ai conduit grand-mère à sa chambre. Nous nous sommes arrêtés en haut de l’escalier, le temps qu’elle reprenne son souffle. Et j’ai demandé : “Est-ce que ça fait peur de mourir ?” C’était drôle de parler de la mort comme si ce n’était pas si grave. J’avais l’impression de demander à grand-mère de m’aider pour mes devoirs. “C’est beaucoup plus effrayant d’être malade, a répliqué grand-mère. Et il y a si longtemps que je suis malade, Kevin“. » [La chasse au trésor]. Ce questionnement est aussi centré sur le parcours de vie : « – Dis, Mamie-Gatours, c’est difficile d’être vieille ? – Vieille, qui est-ce quiest vieille ici ? – Toi, Mamie. Je ne m’en étais pas aperçue. » [Dis Mamie…]. C’est parfois, mais rarement, l’adulte qui dit ce qu’est vieillir comme dans Le Dimanche noyé de grand-père : « Le riz au lait avec gaufrettes, faut voir sa tête ! Il chipote, fait le dégoûté. Berk ! Plus faim, mine de rien, le refile au voisin. Bien sûr, Papa et Maman s’étonnent “De mieux en mieux ! Qu’est-ce qu’il lui prend ? Petit gâté, mal élevé, mal poli, il s’oublie, se croît tout permis !“ Toutefois, on n’ose pas trop dire. C’est souvent ça… vieillir... ». ■ Les images des enfants sur la vieillesse À plusieurs reprises dans ce texte, nous avons fait mention des remarques d’enfants et de jeunes sur des livres cités, sur des rôles tenus par certains des protagonistes de ces livres. Ces enfants et jeunes font partie d’un jury littéraire qui, tous les ans, prime des ouvrages sur le thème « Grandir, c’est vieillir ; Vieillir, c’est grandir ». Aussi, à travers la lecture de livres sélectionnés sur ce thème et adaptés à l’âge des enfants-jurés, ces enfants sont sensibilisés au parcours de vie, au vieillissement, aux rapports entre les générations, à la mort. Depuis six ans, cette expérience rencontre un succès grandissant, puisque le nombre de jurés est passé de 231 la première année, à 22 961 pour le Prix Chronos 2001. Certains de ces jurés y participent pour la troisième ou quatrième fois, ce qui leur permet d’intérioriser une image nouvelle du parcours de vie, montrant que le temps dit « de vieillesse » est la résultante de toutes les étapes précédentes, mais aussi que, même avec un corps qui nous lâche de plus en plus et nous conduit inexorablement à la mort, on peut continuer à « grandir ». Aussi, ces « lecteurs Chronos » participent-ils à une transformation progressive des mentalités en développant un autre rapport à leur vieillissement. Ils seront à l’origine de nouvelles représentations des vieilles personnes. À travers les lectures proposées, ils apprennent à différencier l’apparence del’être qui habite ce corps vieux, ils découvrent que « les personnes âgées bien que fragiles peuvent faire beaucoup de choses », ils découvrent aussi la richesse des relations possibles avec des vieilles personnes, mêmes démentes (Mamie mémoire, ou Momo Petit prince des Bleuets). Ils s’interrogent, et nous interrogent quand nous les rencontrons, sur la sur-représentation masculine dans les livres pour enfants. Ils interrogent les auteurs des livres lus dans le cadre du Prix Chronos, rencontrés dans leurs classes ou lors de l’annonce des résultats au Salon du livre de Paris, sur leurs rapports à leurs grands-parents et les histoires écrites. Ils leurs demandent ce « qu’ils pensent de la place des personnes âgées dans la société ; et si c’est parce qu’elles sont faibles qu’ils écrivent sur elles ». On peut donc voir que les images habituelles que les enfants ont sur les vieilles personnes peuvent évoluer si un contexte particulier leur est proposé. | |
| | | clay77 Administrateur
Nombre de messages : 3907 Age : 41 Date d'inscription : 07/05/2006
| Sujet: Re: images de la vieillesse dans les comptines Ven 28 Déc - 13:50 | |
| Comparativement, nous avons recueilli plus de 1000 dessins d’enfants, de jeunes et de quelques adultes, représentant « une personne jeune, une personne adulte jeune, une personne adulte vieillissante et une personne adulte très âgée ». Ces dessins, sur unformat A3 quadrillé en quatre parts égales, ont été recueillis suruntemps court, le temps du Salon du livre de jeunesse en Seine-Saint-Denis en 1999, avec les jeunes qui acceptaient, simplement, de venir dessiner, avec feutres ou pastels. Nous avons analysé l’âge et le sexe des quatre personnages en fonction de l’âge et du sexe du dessinateur, en tenant compte aussi de la composition de sa cellule familiale (présence ou non de grands-parents et d’arrière-grands-parents, voire d’arrière-arrière-grands-parents). Il y a eu 556 filles et 442 garçons âgés de 14 ans et moins, avec une prédominance de jeunes dessinateurs de 11 et 12 ans, représentant respectivement 22 % et 15 % de l’effectif de ce groupe. Les premiers résultats, quant au sexe et à l’âge des personnes « adultes vieillissantes » et « adultes très âgées » représentées par ces 998 jeunes, sont très intéressants. En fonction du sexe du dessinateur pour les jeunes de 14 ans et moins, quelle identité sexuée a été représentée pour ces quatre étapes de l’existence et plus particulièrement pour les deux dernières ? Trois possibilités existent : un homme, une femme, ou un personnage au sexe indéterminé, le dessin et les attributs du personnage ne permettant pas de savoir. Globalement, pour les quatre âges, les hommes représentent 42 % des dessins, les femmes 35 % et les personnes au sexe indéterminé 23 %. Sur le graphique suivant on peut voir une nette différence entre les garçons et les filles quant au sexe des personnages représentés, aux quatre étapes demandées. Graphique 1 Représentation des sexes dans les dessins selon le sexe du dessinateur En effet, les garçons vont massivement dessiner une image masculine, donc une image identificatoire, ou alors une personne au sexe indéterminé et peu de filles/femmes. Les filles, au fur etàmesure que la personne dessinée vieillit, vont de moins en moins se représenter elles-mêmes, pour mettre en scène, bien plus fréquemment que les garçons dessinateurs, un personnage del’autre sexe. Ces évolutions sont modulées en fonction de l’âge des dessinateurs : la représentation d’un personnage masculin aux quatre étapes de la vie, baisse légèrement chez les garçons de 10 à 14 ans, mais au profit d’un personnage au sexe indéterminé ; la représentation d’un personnage masculin augmente chez les filles dessinatrices dès 7 ans, puis très fortement de 11 à 14 ans. Quant aux personnes au sexe indéterminé, elles dominent pour l’âge jeune, avec les nombreux bébés en vêtement monosexué, style « grenouillère », et pour l’adulte très âgé, avec des personnes couchées ou assises sans rien qui permette de reconnaître s’il s’agit d’un homme ou d’une femme. Comment comprendre ce décalage de représentation de soi entre les garçons et les filles tout au long du parcours de vie ? Ces mêmes enfants et jeunes savent qu’il y a dans leur famille et dans la société plus de vieilles femmes que de vieux hommes. Ils ont cette connaissance, et pourtant ils vont sur-représenter le sexe masculin. Deux phénomènes sont à prendre en compte : le fait que la littérature de jeunesse met plus souvent en scène des héros masculins que des héroïnes féminines, parce que, disent les directeurs de collection, les garçons n’aiment pas lire les livres avec des héroïnes, alors que les filles lisent les livres aussi bien avec des héros garçons que filles. Donc, pour capter des lecteurs masculins, il faut des livres à héros garçons. Cela a fait titrer la page du Monde des livres consacré au Salon du livre de jeunesse de Montreuil, le 1er Décembre 2000, « Moi garçon, toi fille, le sexisme larvé des livres pour enfants »; ensuite, il ne faut pas oublier que la loi sur la parité est récente et qu’elle témoigne de l’impossibilité, en France, non de dire, mais de mettre en acte l’égalité entre les hommes et les femmes, en dépit des évolutions qui déstabilisent les identités masculines. Cela peut expliquer en partie la difficulté des garçons à dessiner des filles, en affirmant leur valeur d’autant plus qu’ils la sentent menacée. Mais les dessins montrent aussi que lesfilles intériorisent très tôt la défaveur sociale, ou la moindre estime sociale, reconnue aux femmes. Les courbes soulignent que les filles le montrent pour la vie adulte. Et c’est dès 11 ans que les filles dessinatrices vont se mettre à représenter plus fréquemment des garçons et des hommes qu’elles-mêmes. Pour les personnes « adultes vieillissantes » et « adultes très âgées », quels âges sont donnés par ces enfants et jeunes ? Globalement garçons et filles ne se différencient pas dans la moyenne des âges donnés. En revanche, les enfants et jeunes qui ont des arrière-grands-parents (et quelques-uns des arrière-arrière-grands-parents) donnent à « l’adulte très âgé » un âge différent des enfants qui ont seulement des grands-parents ou n’en ont plus. | |
| | | clay77 Administrateur
Nombre de messages : 3907 Age : 41 Date d'inscription : 07/05/2006
| Sujet: Re: images de la vieillesse dans les comptines Ven 28 Déc - 13:50 | |
| Le décalage de près de 20 points nous paraît lié à l’absence familiale de la quatrième génération. En effet, ces enfants ont bien plus souvent fantasmé des âges irréalistes pour ces adultes « très âgés », et plus encore les garçons que les filles. Ils donnaient facilement 200 ans voire 2000 ans à la personne réduite à l’état de squelette dans son cercueil (d’où la présentation de l’âge médian et non de la moyenne [1] ). Les enfants connaissant leur arrière-grand-parent semblent avoir plus représenté leur réalité familiale en assimilant l’adulte très âgé à cet arrière-grand-parent. Plus finement, on peut voir qu’au fur et à mesure que l’âge de l’enfant dessinateur croît [2], la proportion d’enfants ayant des arrière-grands-parents et plus, situant l’adulte très âgé dans les tranches d’âges de 80 à 89 ans et 90 à 99 ans augmente fortement par rapport aux enfants de même âge dans une autre configuration familiale. Pour conclure (de manière provisoire, car le dépouillement de ces dessins continue avec l’équipe du Professeur Bernard Darras de l’Université Paris I, Centre de recherche sur l’image), il nous semble que les images de la vieillesse, tant dans la littérature de jeunesse que dans les mentalités des enfants et des jeunes, reflètent des distorsions connues de notre société entre la réalité observée et les mentalités. Si des évolutions sont réelles, qui prennent en compte les modifications des modes de vie des vieilles personnes, il reste encore beaucoup à faire pour que les enfants et les jeunes aient des représentations plus en harmonie avec la société, ce qui n’enlèverait pas leur place à l’imaginaire et au rêve suscités par les livres. BIBLIOGRAPHIE · ANCELIN-SCH TZENBERGER A., 1993, Aïe, mes aïeux !, Épi la Méridienne, Paris, 196 p. · ARFEUX-VAUCHER G., 1994, La vieillesse et la mort dans la littérature enfantine de 1880 à nos jours, Imago, Paris, 280 p. · ARFEUX-VAUCHER G., 1993,« Vieillesse et représentations sociales de la fin du XIXème siècle à nos jours » in Gérontologie et Société, n° 64, pp. 61-75. · ARFEUX-VAUCHER G., 1987,« Les vieux et la nourriture dans les livres pour enfants » in Gérontologie et Société, n° 43, pp. 70-75. · CHAMBOR DON J.-C., FABIANI J.-L., 1977,« Les albums pour enfants, le champ de l’édition et les définitions sociales de l’enfance » in Actes de la recherche en sciences sociale s, n° 13, pp. 60-79 et Actes de la recherche en sciences sociales, n° 14, pp. 55-74. · CHOMBARTDE LAUWE M.-J., 1971, Un monde autre : l’enfance, Payot, Paris, 444 p. · CLANCIER G.E., 1984, L’enfant double, Albin Michel, Paris, 267 p. · FORETTE F., ARFEUX-VAUCHER G., (dir.), 1999, Grandir–Vieillir, le défi du 3ème millénaire, Paris, FNG, 128 p. · HRITIER F. 1996, Masculin-Féminin, la pensée de la différence, Odile Jacob, Paris, 329 p. · NOVARTIS /FNG, 2001,5 générations, 500 familles témoignent. Une enquête inédite, Impact médecin, 5 janvier 2001. · ROUSSEL L., 1989, La famille incertaine, Odile Jacob, Paris, 279 p. · TISSERON S., 1995, Le psychisme à l’épreuve des générations, Dunod, collection Inconscient et culture, Paris, 180 p. · ■ Références des ouvrages de littérature de jeunesse cités· Adieu Veïa, SCHNEIDER A., DUSIKOVA M., Nord-Sud, 1998 · Ah, la famille ! MOKA, l’école des loisirs, Mouche, 1997 · Apoutsiak, le petit flocon de neige, VICTOR P.E, Flammarion, 1948 · Au fil des jours s’en vont les jours, BOUR D., Grasset, 1979 · Au-revoir grand-père, LEAVY U., EACHUS J., Bayard, 1996 · Bonjour Madame la mort, TEULAGE P., SARRAZIN J.C., L’école des loisirs, 1998 · Cauchemar rail, BENSON S., Syros, 1997 · Chut… secret de famille, DUFEUTREL M., Rageot Éditeur, Cascade, 1994 · Dagobert et son grand-père, ZIDROU, GODI B., Hachette Jeunesse, 1999 · Dis, Mamie…, SCHMITZBERGER S., PIED S., Flammarion Jeunesse, 1997 · Incroyable mais vrai, JANIKOVSKY E., REBER L., DELORAINE C., Flammarion, 1977 · Julie et Julie, BLANCO J., HAM (d’) C., Milan 1981 · L’ancêtre disparue, MURAIL L., Flammarion, Castor Poche Junior, 1994 · L’arbre à grands-pères, FOSSETTE D., LEGRAND C., Père Castor Flammarion, 1997 · L’arbre aux ancêtres, MEYNIER Y., CLÉMENT F., Magnard, 1977 · L’oreille du loup, FRESSE G., Casterman, Huit & Plus, 1996 · La chasse au trésor, WILLNER-PARDO G., Epigones, Myriades, 1997 · La musique des choses, PELLETIER M., La courte échelle, 1998 · Le bonsaï et le séquoia, MAUFFRET Y., KANG J., Epigones, Myriades, 1994 · Le camion fantôme, PLACE F., BESSE C., Hachette Jeunesse, 1996 · Le dimanche noyé de grand-père, LAURENCIN G., PEF, Gallimard Jeunesse, 1992 · Le fils de Belle Prater, WHITE R., Hachette, Le Livre de Poche, 1997 · Le grand sapin, DAUFRESNE M., Flammarion, Père Castor, 1977 · Le grand-père de petit ours, GRAY N., CABBAN V., Gründ, 2000· Le livre disparu, THOMPSON C., Circonflexe, 1996 · Le père Noël et son jumeau, SOLOTAREFF G., NADJA, Hatier, 1990 · Le secret de Martin, BECHAUX C., Bayard, 1998 · Le secret de papy Frioul, LUCIANI J.L., GIREL S., Epigones, Myriades, 1998 · Les histoires de grand-père, CRETOIS C., BRUM L., Bayard, Les belles histoires, 1999 · Les mots font la grève, POUPART J.M., La courte échelle, 1999 · Les parents de maman, ATRI A. (d’), Deux coqs d’or, 1980 · Les parents de papa, ATRI A. (d’), Deux coqs d’or, 1980 · Les portes s’ouvriront sept fois, SAINT-DIZIER M., Gallimard, Folio Junior, 1997 · Les rendez-vous de l’Ill, WEISS M., Éditions Milan, 1997 · Les secrets de Faith Green, CHABAS J.F., Casterman, 1998 · Lettes d’amour de 0 à 10, MORGENSTERN S., L’école des loisirs, Neuf, 1996 · Manon et Mamina, HASSAN Y., Casterman, Dix & Plus, 1998 · Mémé est amoureuse, GUDULE, Syros, col. souris noire, 1996 · Mémé, t’as du courrier, HOESTLANDT J., FRANEK C., Nathan, Pleine lune, 1999 · Mini a un nouveau grand-père, NÖSTLINGER C., Hachette, 2000 · Ni oui, ni non, DAUFRESNE M., Hachette Jeunesse, 1989 · Ninon silence, BEROT M.C., Flammarion , Castor Poche, 2000 · Nona des sables, KERISEL F., Albin Michel, Ipomée, 1996 · On demande grand-père gentil et connaissant des trucs, COULONGES G., Pocket Jeunesse, 1975 · Où est parti Balthus ? DEROUIN C., DELEFON M., Brépols, Collection Explique-moi, 1997 · Où vont les bébés ?, ELZBIETA, L’école des loisirs, Pastel, 1997 · Pépé la boulange, MAUFFRET Y., L’école des loisirs, Neuf, 1986 · Quand mon papa était un vrai bébé, BAUDROUX J.C., BARTOLOMI E., Éditions du Batsberg, 1995 · Quel amour de crocodile, NOEL G., SAILLARD R., Nathan, Étoile Filante, 1997 · Raides–morts, COLE B., Seuil Jeunesse, 1996 · Sa majesté la maîtresse, MORGENSTERN S., L’École des loisirs, 1994 · Tatie la vie, LAURENCIN G., Syros, Un jardin se crée, 1996 · Tu sais siffler Johanna, STARK U., HOGLUND A., Casterman, les albums Duculot, 1997 · Un grand-père tombé du ciel, HASSAN Y., Casterman, Dix & Plus, 1997 · Un lourd silence, SZAC M., Seuil, Fictions jeunesse, 1999 · Un si terrible secret, BRISOU-PELLEN E., Rageot, Cascade Pluriel, 1997 · Une histoire étrange (2 tomes), GRIPE M., Flammarion, Castor Poche Senior, 1996 | |
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